Saturday, December 09, 2006

Combattre la corruption

Combattre la corruption est une chimère: cela me rappelle un gag d'Iznogoud où pour stopper la corruption dans le califat, il fait placer des sbires chargés de contrôler les fonctionnaires; et pour s'assurer de leur zèle, il fait placer des super-sbires charger de contrôler ces sbires; puis pour contrôler les super-sbires, il fait placer etc. ... Bref, augmenter les effectifs de contrôle ou aggraver les sanctions n'aideront pas à stopper la corruption. Les lois en place, si elles étaient appliquées à la lettre, suffiraient amplement à cette fin: la corruption c'est par définition les fuites dans le système. Plus on l'agrandit, et plus on l'expose à des failles. Les régimes les plus durs sont toujours les plus corrompus, et les pays communistes ont souvent tendance à tomber très vite dans la dictature. Pendant l'ère syrienne, qui de nous, pour résoudre un problème, n'avait pas le réflexe d'appeler tel ami « haut placé », ou tel parent officier dans l'armée ou les services secrets? Nous connaissons la chanson...
Il faut chercher d'autres solutions pour piéger le processus de pot-de-vin: la privatisation des secteurs publics, par exemple, est une façon efficace de combattre ce problème. Voyez la téléphonie mobile, Sukleen, voyez combien ces entreprises marchent à merveille. Vous entrez dans une banque, une agence privée, vous voyez tout de suite des locaux propres, une gestion efficace, une réceptionniste souriante, des employés alertes... Vous entrez dans un bâtiment public, vous êtes choqués par la crasse, vous cherchez les fonctionnaires, vous parcourez les étages, vous ne les trouvez pas; si vous avez la chance d'en attrapper un il est soit occupé, soit c'est l'heure de sa pause déjeuner, soit pour votre dossier il fallait s'adresser à un autre... Pour être juste, je dois excepter le local de la Sûreté générale de l'époque pré-mars 2005, mais bon, s'il y avait un seul secteur public fonctionnel à cette époque, ça devait bien être celui-là... Bref, l'entreprise privée, par son échelle humaine et son système motivant, est en général beaucoup plus efficace que le secteur public: si l'employé ne fait pas son boulot, eh bien il va s'en chercher un autre!
Par contre, le grand intérêt de la corruption c'est qu'elle constitue un excellent outil de propagande politique, car c'est le crime parfait dont les partis les plus extrémistes accusent toujours les partis les plus modérés, à l'approche des élections. Cette stratégie est tout d'abord très perspicace parce que l'on n'a pas besoin de preuves pour calomnier son adversaire! La fortune d'une personne est déjà un facteur extrèmement suspect, et il suffit alors de parler d'un compte bancaire en Suisse, donner des chiffres imaginaires, faire état de « rumeurs » qui courent, pour inculper irrémédiablement sa victime, incapable de s'en défendre puisqu'elle est censée avoir commis son délit dans la plus grande discrétion... De plus, la mise en scène est tout à fait favorable au plaignant: en effet, ce dernier est souvent une personne engagée et passionnelle, se battant pour une « grande cause » (généralement d'origine divine), et arborant une tenue vestimentaire très exotique. Face à lui, son rival modéré est une personne qui parle d'un ton calme, fait preuve d'un bon sens remarquable, et porte un complet sobre et élégant. Grave erreur!! L'opinion publique orientale, sensible au discours romancé et friande de théories de conspiration, s'emballera évidemment pour le premier parti... C'est ainsi que le Hamas a discrédité le Fatah en Palestine, lui reprochant d'être « corrompu »: avec le nouveau regain de violence, l'interruption des aides financières occidentales, la menace de recommencer les attentats suicides, ils devraient s'en mordre les doigts à présent...
Ce qui me surpend chez les Libanais -et chez les détracteurs de Hariri plus précisément- c'est leur capacité soudaine à devenir de grands économistes. En parlant de l'aéroport, ils vous donnent des chiffres ahurissants (auxquels plusieurs aiment à rajouter des zéros), vous affirment que le coût de sa construction est anormalement excessif, et en déduisent que Hariri a « volé » le reste. Mais comment savez-vous combien ça peut coûter d'édifier un aéroport international??? A supposer que vous pouvez donner une approximation juste des produits de construction utilisés et de la mise en place des grandes structures métalliques, comment pouvez-vous avoir une idée de ce qu'il faut payer en commissions, en frais légaux ou illégaux aux divers responsables publics, aux intermédiaires, aux Syriens, à tel, à tel autre, rien que pour débloquer la procédure juridique nécessaire à ce chantier? D'autres vous diront: « Avait-on besoin d'un aéroport aussi luxueux? ». Eh bien, lorsque votre économie est basée sur le tourisme et les services, et en le comparant à ses semblables aux Emirats et dans les pays du Golfe, oui! c'est un minimum. Obnubilés par ces rumeurs de « corruption », les gens perdent de vue les résultats concrets que ce premier ministre a finalement fournis: un centre-ville, un aéroport, un stade sportif, ensemble d'équipements certes coûteux, mais qui n'attendent que la paix pour commencer à devenir rentables.

4 Comments:

Blogger maya l'abeille said...

C'est vrai qu'on ne peut pas éradiquer la corruption, mais on peut la réduire. En tout cas, selon TI, la corruption a beaucoup reculé au Liban depuis le retrait des forces syriennes et l'arrivée de Siniora au pouvoir.
Mais c'est vrai que la corruption devient un instrument de propagande populiste dans ce pays. Ce qui m'étonne c'est qu'on parle souvent de l'honnêteté de Aoun et de Nasrallah, alors que le premier n'a jamais été au pouvoir et qu'il est accusé d'avoir reçu du pognon irakien pendant la guerre pour combattre les Syriens, et que le deuxième a créé sa propre économie parallèle dans les zones qu'il contrôle, sans oublier le pillage du ministère des télécoms et de la sécu par ses alliés du mouvement Amal. Comme d'hab, c'est un plaisir de te lire Monsieur Brown.

10:46 AM  
Blogger Oberon Brown said...

Merci pour tes encouragements, petite abeille :)

11:29 AM  
Blogger Ghada said...

bravo Oby, tout à fait d'accord avec toi!
Pour ce qui est de la façon efficace de combattre la corruption, à part privatiser (qui a ses bons et ses mauvais côtés), une autre bonne façon serait de hausser les salaires des employés, de trouver faire en sorte que les employés ne veuillent plus, ou plutôt n'aient plus besoin d'être corrompus.

12:39 AM  
Blogger Oberon Brown said...

Genuine,
oui ça aussi bien sûr, mais cette mesure nécessite de puiser dans les fonds publics (qui sont actuellement négatifs), alors que la privatisation soulage complètement l'Etat du secteur concerné: au contraire même, lorsqu'il est bien géré, ce dernier lui deviendra rentable par l'intermédiaire de taxes.

12:53 AM  

Post a Comment

<< Home