Thursday, June 14, 2007

Insouciance salvatrice: 6 règles de survie.

("Pierre & friends", Batroun, 10 Juin 2007)

Afin de ne pas succomber à la tentation facile de quitter le pays, et de ne pas sombrer en même temps dans une dépression morbide en y restant, voici quelques règles de conduite qui se sont révélées efficaces, grâce à des années d'expérience richissimes en événements sinistres:
1- Penser le moins possible à la situation (plus que) dramatique du pays; faire l'effort sans cesse de trouver un exutoire au stress créé par l'inévitable exposition aux médias, omniprésents dans notre entourage. Passer une journée à la plage, aller déjeuner dans un de ces beaux restos libanais en plein air, faire des randonnées, ou alors simplement sortir à Gemmayzé, inviter ses amis à un dîner bien arrosé chez soi, etc. ... Un ami à moi qui travaille avec Fattal m'a affirmé un jour que pendant la guerre de Juillet 2006 les ventes d'alcool avaient doublé (ou triplé), ce qui prouve le recours généralisé à cette méthode, et donc son efficacité.
2- Pour sortir, choisir de préférence les lieux où il vient de se passer quelque chose: les terroristes frappent rarement au même endroit deux fois de suite, ce n'est pas l'imagination qui leur manque. Pour les autres endroits, se dire d'ailleurs que le danger étant le même partout (à Beyrouth, sur la côte, à la montagne, à la Bekaa, etc.), il est absolument inutile de se cloîtrer chez soi.
3- Eviter les sujets de conversation à propos des «théories de conspiration»: les libanais en raffolent, et ils peuvent passer des heures interminables à en débattre. Bien que ça puisse paraître divertissant au début, cela finit vite par devenir suffoquant et ça ne mène à rien du tout, à part des disputes certaines entre amis, des soirées gâchées et des nerfs à fleur de peau. Finalement peu importe quelles grandes puissances manigancent quoi, et nous ne sommes pas tous des Georges Tenet pour connaître les plans secrets d'espionnage et de contre-espionnage internationaux. S'en tenir aux faits et faire des affirmations simples lorsqu'on y est acculé, ou mieux encore changer de sujet.
4- Prendre l'habitude de ne pas faire chier les flics, et surtout les soldats, aux barrages, avec des inepties et des conneries de tout genre: ces pauvres bougres ne savent pas s'ils vont rentrer chez eux le soir en une seule pièce, ils sont débordés par toutes sortes de fanatiques armés jusqu'aux dents, de terroristes bourrés d'explosifs, de miliciens intouchables, de saboteurs, d'espions etc., et ils ont très probablement la gâchette facile (mettez-vous à leur place). Ce n'est donc vraiment pas le moment de faire le malin en jouant au citoyen soucieux de sa petite intimité et tyrannisé par un Etat fouineur. Ou alors, ne plus se plaindre comme quoi «les autorités ne font rien!». Il faut choisir.
5- Se dire qu'en émigrant, on aura le choix entre: soit un pays meilleur que le Liban (en termes de niveau de vie), et l'on y sera probablement un hôte indésirable, un «sale arabe», un étranger mal accueilli et mal intégré par les autochtones (si ouverts d'esprits soient-ils, ou prétendent-ils l'être); soit un pays pire que le Liban, et alors toutes les facilités professionnelles, financières et humaines qu'on y trouverait, ne contrebalanceront pas les défauts naturels de ce nouvel hôte. Donc en fin de compte, on ne sera nulle part mieux que chez soi.
6- Savoir que dans les pays calmes on meurt d'ennui. Le taux de suicide le plus élevé se trouve dans les pays d'Europe du Nord (genre Suède, Finlande, Norvège), exemples suprêmes de civisme, de réussite économique et d'équité sociale. A chacun ses problèmes...
Voilà, c'était donc quelques conseils pratiques pour mieux traverser cette période de crise qui semble s'éterniser. Si vous en connaissez d'autres, n'hésitez surtout pas à me les proposer.

2 Comments:

Blogger Unknown said...

:o) Ce qui est choquant quand même, c'est que les indignés par les fouilles n'auraient aucun problème à être fouillés par les éndibat hezbols au Centre Ville.

12:50 PM  
Blogger Oberon Brown said...

Ah oui, ça c'est les nobles guerriers de Dieu. On n'a rien à cacher à Dieu, ni à son parti... :)

2:36 PM  

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