Tuesday, September 04, 2007

Un homme perdu...

J'ai vu récemment, à la séance de clôture du festival «Né à Beyrouth», le dernier film de Danielle Arbid intitulé «Un Homme Perdu»: film assez troublant et volontiers provocateur, qui narre la rencontre entre Thomas, photographe français vagabond, aimant prendre sur pellicule des femmes en plein acte sexuel, et Fouad un mystérieux amnésique disparu à Beyrouth pendant la guerre civile. Les chemins des deux hommes se croisent par hasard, et l'un servant à l'autre de guide, ils vont ensemble séduire des femmes dans les boîtes de nuits jordaniennes, et les ramènent à leur chambre d'hôtel pour les photographier... Jusqu'au jour où Thomas décide de remonter le fil jusqu'au passé de son énigmatique et silencieux compagnon...

Ce film prouve encore une fois le talent exceptionnel de cette réalistarice issue d'une famille d'artistes (Georges Arbid, architecte enseignant à l'Alba et lauréat d'un concours national d'architecture, et Célia Arbid, architecte et graphiste de renom, sont des cousins à elle). Le silence pesant de ce film, la brutalité des passages érotiques, et l'oppression constante du tabou transgressé créent une ambiance sauvage et aride, qui correspond à l'aspect physique des protagonistes principaux (crâne rasé, barbe de quelques jours). Par ailleurs, l'ambiguité de la relation qui se noue entre eux, la quête constante d'identité du héros et l'imprévisibilité de la trame narrative, confèrent à ce film une richesse psychologique qui contraste bizarrement avec la simplicité générale de la mise en scène et le minimalisme des dialogues. C'est d'ailleurs ce point qui fait, à mon avis, le point fort de cette réalisatrice: la profondeur psychologique de ses personnages, les liens complexes qui les unissent (ou les séparent), à l'image de la société réelle, pleine de contradictions et d'incompréhensions.

Toutefois ce film n'a pas su dépasser «Dans les Champs de Bataille» (le précédent de Danielle Arbid), qui reste, à mon avis, son chef d'oeuvre. C'est en tout cas un des plus beaux films que j'ai jamais vus sur la guerre du Liban; on est très loin des clichés affligeants, et des textes insipides et totalement prévisibles du «West Beirut» de Ziad Doueiri... Peut-on trouver plus banal que cette histoire? Un garçon musulman qui aime une fille chrétienne (des Roméo et Juliette locaux), des scènes larmoyantes de fusillade d'innocents civils, en majorité des femmes et des enfants (à noter la petite erreur de documentation ici, puisque l'autobus de Aïn el Remmané ne contenait que des hommes armés jusqu'aux dents), le taxi transportant les prostituées qui passe la frontière sans problème (encore une fois l'amour qui triomphe de la guerre), etc. ... Rien qu'un enchaînement de clichés flagrants et bêtes, que même des scénaristes Hollywoodiens hésiteraient à aligner pour un film d'action avec Jean-Claude Van-Damme! Un peu de recherche, que diable...

12 Comments:

Anonymous Anonymous said...

Je n'ai pas vu "dans les champs de bataille", mais je trouve que tu es très dur avec "west beirut", une histoire simple est humaine, peut-être insipide a l'image des hommes. Mais mon meilleur souvenir du cinéma Libanais reste un court-métrage, 11 rue pasteur de nadine labaki, un vrai chef d'oeuvre.
L'amour ne triomphe pas de la guerre Oberon, le cul oui, l'alcool et la bouffe aussi... ces
trois sont les seuls a pouvoir passer les check-points les plus intraitables!

12:03 PM  
Blogger Unknown said...

L'histoire a l'air vachement intéressante. Moi non plus j'ai pas aimé West Beirut. Et le cliché de l'amour impossible entre une chrétienne et un musulman commence à me saoûler grave. D'ailleurs ce serait bien que les réalisateurs libanais parlent d'autre chose que de la guerre du Liban. C'est peut-être ce qui fait notre exotisme aux yeux des étrangers, mais nous savons parler d'autre chose je suppose.

12:35 PM  
Anonymous Anonymous said...

Le cinéma du monde arabe, donc l'oeuvre de ses réalisateurs, reste étroitement liée au vécu et aux frustrations, chaque cinéma parle ainsi de ce qu'il connait le mieux. Ce n'est pas parce que ce cinéma ne sait pas parler d'autre chose, mais c'est que cet amour de "l'exotisme" dont parle Bee est demandeur (circuit commercial, festival...) d'un cinéma devenu formaté : le cinéma libanais c'est les confessions et la guerre, le cinéma tunisiens c'est la crise identitaire, les moeurs et la famille, le cinéma algérien et marocain c'est la misère et l'immigration... ça devient presque un code génétique pour identifier le cinéma arabe!

5:42 AM  
Anonymous Anonymous said...

J'ai trouvé!! Un homme perdu.. en vaut deux? non, c'est pas ça? :o)
Ou alors un homme perdu peut en cacher un autre?

1:56 PM  
Blogger Oberon Brown said...

...
M1, t'as un humour vraiment bizarre, mec... Je ne sais pas si c'est l'humour tunisien en général ou si c'est juste l'humour d'M1 qui est difficile à capter, mais je ne sais pas trop quoi te répondre :S ... Sinon il est cool ton billet sur le 11 septembre; je crois bien que je vais écrire quelque chose moi aussi sur le sujet.
Bee, je te conseille vivement ce film, mais je doute que tu puisses mettre la main dessus là où tu es; (je suppose que Qatar est une censure-land, comme les Emirats, non?)

7:39 AM  
Anonymous Anonymous said...

Oberon, un peu.. d'humour mec :)
Sinon merci pour ton compliment, j'attends ton post sur le 9/11!

10:25 AM  
Anonymous Anonymous said...

bonjour Oberon!
Je viens de me souvenir que le photographe Antoine d'Agata à plus ou moins inspiré le film,j'avais lu quelques trucs là dessus il y à quelques temps.
http://www.liberation.fr/culture/cinema/279357.FR.php
http://www.documentsdartistes.org/artistes/dagata/repro.html
Il me fait penser au pendant masculin de Nan Goldin que j'aime beaucoup pour sa brutalité et sa tendresse pour ses modèles.
Sinon,toi qui t'intéresse pas mal à la musique, as tu vu Control?Je l'ai vu hier(j'ai écouté à une époque Joy Division sans m'intéresser beaucoup aux membres du groupe).En tous cas,cela casse le mythe romantico neuneu en vogue à l'époque!
Ensuite j'irai sans doute voir"this is England",la bande son à l'air bien choisie et je trouve souvent réussis les portraits de l'Angleterre prolo depuis "my beautiful laundrette",je suis accro!:o)

4:46 AM  
Blogger Oberon Brown said...

Tout à fait exact! C'est Danielle Arbid elle-même, en présentant son film avant la séance de projection, qui a affirmé s'être inspirée d'Antoine d'Agata pour son histoire (il paraît que c'est un ami à elle). Sinon, Nan Goldin je ne vois pas du tout qui c'est, et Control je crois que ce n'est pas encore sorti en salles ("this is England" non plus). Côté musique, moi dernièrement j'écoute surtout une meuf qui s'appelle Imogen Heap, et qui a une voix sublime d'androgyne... (vous l'aurez deviné, c'est encore du Trip Hop :) )
A + Maquettes!! ;)

5:37 AM  
Anonymous Anonymous said...

Sur Nan Goldin voiçi un petit portrait:
http://www.centrepompidou.fr/expositions/nangoldin/fr/flashback.html
sinon,il y à wiki avec une grande bio.
Si tu aimes les voix venues d'ailleur,moi je kiffe Anthony & the Johnsons! :o)
http://www.brainwashed.com/antony/
Depuis cette découverte,pas grand chose ne m'a emballé,à part Amy Winehouse peut être.
@ pluche!

7:05 AM  
Blogger Unknown said...

Hey Maqounz & Ob' !! moi aussi je kiffe Anthony and ze Johnsons et j'aime la voix (mais pas la gueule) d'Amy Winehouse :o)

9:27 AM  
Anonymous Anonymous said...

oué mais tu n'aimes pas la choucroute,c'est normal!:o)

10:06 AM  
Blogger Oberon Brown said...

Ça a l'air vachement intéressant ce Nan Goldin: j'aime bien ces ambiances d'érotisme obscur et tabou. Ça me rappelle un peu les BD d'Alex Barbier... Anthony & the Johnsons, c'est vrai qu'il a une belle voix, mais c'est pas vraiment mon style de musique, d'après les extraits que j'ai téléchargé de la page que tu as postée: trop slow, voire Elton Johnesque pour moi... Quant à Amy Whinehouse, on m'a fait écouter "Back to black" qui était pas mal du tout, mais pas suffisamment sublime pour que j'aille lui acheter un CD...
Aaah, j'suis un critique difficile, je sais :)
A +, les filles!

11:00 PM  

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