Thursday, April 15, 2010

Oubliez la cigarette, fumez des cigares


Depuis que je suis en couple, mes amis encore célibataires m'accusent de mener une vie trop bien rangée et casanière à leur goût: après la vie nocturne et débauchée que je menais à Gemmayzeh, les aventures relationnelles tourmentées et rocambolesques qu'ils me connaissent, me voici redevenu un quidam banal et inintéressant (avec une calvitie affirmée de surcroît). Mais finalement, je crois avoir trouvé le remède contre cette platitude qu'on semble me reprocher: je me suis mis à fumer des cigares. Quoi de plus antipathique et d'arrogant qu'un mec fumant un cigare?! Or, lorsqu'on est antipathique, on ne peut pas être ennuyeux (impossible d'être l'un et l'autre en même temps).
Cette provocation est d'abord olfactive: ayant fait l'expérience de fumer deux cigares chez un ami (lui-même pourtant fumeur de cigarettes normales), ce dernier s'est plaint de leur odeur qui avait empesté son salon pendant deux jours. Que dirait alors un non-fumeur? Mais la provocation se place aussi à niveau idéologique: en effet, le cigare attribue immédiatement à son consommateur une image de capitaliste prétentieux, figure rebutante surtout dans un milieu intellectuel francophone, généralement gauchisant. Et pour pousser jusqu'au bout cette image rébarbative, on peut s'amuser, tout en tirant nonchalamment sur son cigare, à se plaindre de toutes ces vieilles bicoques branlantes du vieux Beyrouth qu'il faudrait raser pour laisser de la place aux majestueuses tours d'habitation, brillants reflets du modernisme luxueux dont devrait se couvrir notre ville. Ajoutez à cela la saveur exquise des cigares toscans dont l'étiquette est affichée plus haut (il y a aussi les succulents Cohiba, mais les premiers offrent le meilleur rapport qualité/prix), et adieu la vulgaire cigarette du prolétaire. Et puis un cigare, ça dure...