Wednesday, August 15, 2007

Assomption


  Une des figures les plus populaires de l'Evangile, du moins au Liban, semble être la Vierge Marie: partout où vous allez dans les villages chrétiens, vous trouverez des petites statues à son effigie, ornées de fleurs et de bougies, à des angles de rues ou trônant sur des placettes; la moitié des églises sont des «Notre Dame» de quelque chose; les icônes de la Vierge à l'Enfant se retrouvent sur nombre de chevets de lit, de bureaux, de murs d'entrée de maisons, de tableaux de bord de voitures, etc.; et lorsqu'on veut invoquer le bon Dieu pour qu'il nous exauce un souhait par exemple, c'est souvent à Elle qu'on s'adresse...
  Je me rappelle, à une époque où je sortais avec une fille de religion musulmane (chiite pour préciser), que j'avais été un peu surpris par le nombre de représentations de la Vierge Marie qu'ils avaient dans leur maison; cette fille aimait aussi monter à Harissa. Il s'agit peut être d'une exception, mais je pense que la société musulmane, dominée par des hommes et manquant cruellement de figures féminines saintes, adopte volontiers la douceur de ce culte, exaltant la maternité, la féminité et l'amour, sans entrer en conflit avec ses principes religieux (l'Islam étant censé être la continuité des deux croyances judéo-chrétiennes). Toutefois, je ne crois pas que soit la seule raison du succès de cette figure... A mon avis, cela est surtout dû au fait que la Vierge Marie est, dans l'esprit des croyants, inconsciemment associée au plus vieux culte de tous les temps: celui de la Déesse Mère.

  De cette première figurine datant de quelques 24 000 ans avant JC (...bon, le sens des proportions ne devait pas être très aiguisé à l'époque), à toutes les déesses équivalentes dont Déméter ou Gaïa chez les Grecs, et Cérès chez les Romains, l'Homme a adoré des figues emblématiques de la fertilité, de la maternité; et une Vierge à l'Enfant, c'est aussi cela, car c'est avant tout une mère. Quel est le grand mystère derrière la perpétuation de la vie? Nous l'ignorions il y a 20 millénaires, et nous l'ignorons toujours: nous savons juste qu'une femme nous donne la vie, et qu'il faut s'accoupler avec une autre pour la redonner à notre tour.
  La religion a cela de fascinant que c'est aussi complexe et obscur que la psychanalyse, mais avec une mystique touche poétique. Mais gare aux audiences sensibles!! Car rien n'est plus dangereux que les fanatiques obtus, musclés et irritables (ces trois caractéristiques se retrouvant souvent ensemble d'ailleurs!). A ce sujet, il est impossible de ne pas évoquer la mésaventure de Mgr Grégoire Haddad, qui s'est fait tabasser il y a un an presque, par une espèce d'armoire à glace Zghartiote: cet évêque, extrèmement actif par ailleurs et initiateur du Mouvement Social et autres associations caritatives, a des opinions un peu osées sur le christianisme, et notamment sur l'Immaculée Conception (et ça c'est vraiment LE sujet sensible par définition), qu'il n'a pas manqué d'exposer sur les ondes de Télé Lumière. Il s'est fait donc agresser et traiter de «sioniste» (c'est une insulte passe-partout) en arrivant aux locaux de cette chaîne, par un croyant ultra-conservateur et fort antipathique (ce dernier fut arrêté par la suite, puis relâché, puisque l'évêque a refusé de porter plainte, jugeant l'agresseur «de bonne foi»)... Voilà, voyez ce qui se passe lorsque des théories avant-gardistes tombent dans les mauvaises oreilles: Mgr Haddad s'en tire avec un coup de poing dans la gueule, donc relativement à bon compte, mais dans le temps on a brûlé plein de gens pour moins que ça! Ce qui me fait dire que finalement, la religion ça n'a pas que du bon... C'est en tout cas à prendre avec des pincettes.

Thursday, August 09, 2007

Interlude musical #2

J'aimerais vous faire découvrir, dans ce post, la chanson Destiny du groupe Zero 7. J'en profite pour parler du Trip Hop en général, un de mes styles musicaux préférés. Le Trip Hop est caractérisé en gros par une rythmique dérivée du Hip-Hop (le Rap), appliquée à une mélodie «trippy», donc langoureuse, mélancolique. La voix est généralement celle d'une femme: elle est typiquement douce, lyrique, parfois légèrement enrouée, un peu à la Björk. Les sonorités électroniques sont utilisées généreusement, mais le tempo reste calme, bien découpé à la batterie, et accompagné par une basse puissante. Ce style s'inscrit dans la catégorie Down Beat qui, comme son nom l'indique, désigne une musique quelque part dépressive, quoique rythmée. Il se rapproche aussi, lorsque l'effet est plus relaxant que triste, du style appelé Chill ou Lounge (penser aux compilations de Café del Mar, ou d'Hôtel Costes, si agréables à écouter) et aussi de l'Ambiant. Parmi les fondateurs du Trip Hop il faut citer incontestablement Massive Attack, groupe britannique dont l'avant-gardisme les place, à mon avis, au même stade que les Beatles ou Pink Floyd. Ils ont ouvert la voie à une infinité d'autres groupes plus ou moins connus, dont la musique aurait été tout à fait autre chose sans l'influence de ces premiers: Portis Head, Morcheeba, Archive, Crustation, Sneaker Pimps, Unkle, Zero 7, Thievery Corporation... La liste est interminable. Je me rappelle très bien le concert de Massive Attack dans le temple de Jupiter à Baalbeck, en Juillet 2004, la foule immense qu'il y avait, le décor grandiose... Je crois bien que c'était presque aussi beau que faire l'amour...
Fin de cette parenthèse didactique, je vous laisse apprécier la beauté du refrain de la chanson Destiny, téléchargeable un peu plus haut:

«When I wake, I draw strength from you,
And when you're lost, I know how to change your mood,
And when I'm down, you breath life over me,
Even though we're miles apart, we are each other's destiny.»

Zero 7 - «Destiny» (Simple Things)

Wednesday, August 01, 2007

Partielle du Metn

Au diable la partielle du Metn, et au diable la politique! J'ai le sentiment que je me moque éperdument du résultat de ce scrutin, quel qu'il soit. Je crois même que je suis content qu'il va y avoir une bataille électorale (jusqu'aux dernières nouvelles), comme ça le GRAND généralissime nous montrera ce dont il est capable, à part critiquer tout le monde à tout bout de champ, et s'égosiller en crises de colère devant les micros. Il est vrai qu'il aurait fait preuve de décence en cédant la place au père du jeune homme assassiné dans des circonstances extrèmement tragiques, mais la démocratie vous donne le droit de manquer de tact, et d'être un arriviste ingrat doublé d'un imbécile grossier et belliqueux (les lecteurs de ce blog auront compris, à l'heure qu'il est, mon manque de sympathie pour ce personnage).
Si en 1989, une grande partie des libanais l'avaient soutenu, parce qu'il représentait -probablement à juste titre- l'Etat de droit, contre une milice chrétienne qui avait commis un grand nombre d'abus dans les territoires qu'elle contrôlait, il est important de se rendre compte qu'en 2007, les rôles se sont inversés: le gouvernement actuel, malgré toutes ses imperfections, est celui d'un Liban libre, formé en dehors de toute ingérence syrienne, pour la première fois depuis des décennies, reconnu et soutenu par la plupart des pays de l'ONU: c'est donc l'Etat de droit! Et c'est cet Etat légal que Aoun attaque, en s'alliant avec le Hezbollah (milice islamiste soit dit en passant, considérée comme terroriste par pas mal de pays), alors que l'ex-leader des Forces Libanaises soutient le gouvernement Siniora.
Et à propos de cette alliance CPL-Hezbollah (si peu convaincante par ailleurs), je me pose souvent la question suivante: comment cela va-t-il se terminer?? Revenons encore à 1989, et voyons comment le général Aoun tente de désarmer, au pire moment possible, un allié qui vient de combattre à ses côtés contre les Syriens (dans la guerre de «Libération»). Cela, d'après Machiavel, constitue la plus grave des erreurs, car en essayant de désarmer un allié, nous lui communiquons deux messages: d'abord, que nous n'avons pas confiance en lui, ensuite, que nous ne voulons pas qu'il soit fort. C'est au contraire en armant un faible, qu'on s'en fait un allié; c'est sans doute ainsi que Hafez el Assad, en armant et en assistant militairement le Hezbollah, a gagné la confiance et la fidélité de Hassan Nasrallah. Bref, la question est la suivante: si en 89, lorsqu'il était au pouvoir, Aoun s'est arrangé pour se bagarrer avec une milice chrétienne alliée, comment croyez-vous qu'il va gérer, s'il est élu au pouvoir en 2007, une milice islamiste rivale et dangereuse telle que le Hezbollah?... Question à méditer.