Friday, October 26, 2007

Les 5 plus belles B.D. au monde

Comme promis, je vais présenter dans ce second interlude sur le 9ème art, les 5 plus belles bandes dessinées au monde (évidemment, je ne vais pas parler des grands classiques genre Tintin, Spirou, Astérix, Blueberry, etc. que tout le monde connaît, car il n'y aurait aucun intérêt à cela, mon but étant de faire sortir de l'ombre des auteurs exceptionnels qui ont repoussé les limites artistiques de ce médium à des sommets rarement atteints). Les voilà:

ENKI BILAL: La Foire aux Immortels.
Plus besoin de le présenter, cet album a été discuté en long et en large dans le billet précédent.

HUGO PRATT: La Ballade de la Mer Salée.
Étant le meilleur des Corto Maltese, c'est à dire de la plus belle série au monde, cet album a par conséquent de fortes chances d'être le plus bel album B.D. dans l'absolu (ce jugement est strictement impartial, et n'a rien à voir avec le fait qu'une certaine commentatrice habituelle de ce blog semble connaître intimement la fille du grand maître)! Malheureusement, comme c'est le cas avec toutes les grandes oeuvres d'art, il est impossible de disséquer ce roman, et l'on ne peut que subir sa beauté formidable, en se laissant transporter dans le monde magique de Pratt; sur les côtes paradisiaques d'une île secrète de l'océan Pacifique, au rythme des chants marins polynésiens, des canons de navires de guerre, des brusques tempêtes tropicales et des aléas du destin...

JORDI BERNET & SANCHEZ ABULI: Histoires Noires.
Ce bouquin, sorti chez Comics USA et écrit par des auteurs espagnols, est unique par sa brutalité, sa noirceur (comme le titre pouvait laisser deviner) et sa force d'impact. De petites histoire traitées avec un graphisme épuré, efficace et terriblement expressif, en séries de 3 bandes par pages, font ressortir les faces les plus obscures, les plus féroces mais aussi les plus vraies de l'être humain. Des nains difformes et sadiques, des assassins, des femmes fatales, des mendiants aveugles sont les acteurs de ce recueil d'histoires cauchemardesques, dignes d'un Francesco Goya, mais qui n'excluent pas toutefois un certain humour de dérision.

MOEBIUS: Les Jardins d'Edena.
Le cycle du Monde d'Edena, et plus particulièrement ce volume-ci, est à mon avis le chef d'oeuvre de l'exceptionnellement doué Jean Giraud/Moebius, dont le dessin légendaire atteint ici un degré de perfection impressionnant. L'histoire quant à elle, reflète les thèmes favoris de la B.D. de l'époque où cet album est sorti; nous sommes en plein dans le style Métal Hurlant, qui a produit tout un florilège de contes de sciences-fiction sur fond d'ambiance psychédélique et d'allusions Freudiennes. Mais dans cette série, Moebius évite de tomber dans les épopées sanguinaires et guerre-des-étoilesques, qu'affectionnent des auteurs comme Jodorowsky. En effet, il s'agit là de deux êtres androgynes qui atterrissent sur une planète inconnue, peuplée de créatures bizarres et plantée d'arbres fruitiers; leur contact avec cette nature sauvage provoquera dans leurs corps des transformations hormonales profondes, qui affecteront leur relation mutuelle, et alors s'ensuivera toute une série d'évènements palpitants... Moebius nous offre ainsi un conte fantastique, subtil et philosophique, progressant sur une trame extrèmement captivante, et synthétisant à mon avis ce qu'il y a de mieux dans cette B.D. des années 70.

ALEX BARBIER: Comme un Poulet Sans Tête.
Depuis quelque temps, les B.D. modernes me donnent l'impression de se ressembler toutes, de sortir du même moule; en effet, depuis l'émergence d'Angoulême, le 9ème art a été codifié et régi par des règles strictes, donnant naissance à des produits pratiquement similaires, et le plus souvent dénués de personnalité; rares sont les oeuvres qui se démarquent de cette nouvelle norme. Dans ce contexte, «Comme un poulet sans tête» d'Alex Barbier vous donne l'impression d'être un extra-terrestre sorti de nulle part! Un graphisme surprenamment innovateur, évoquant l'ambiance des tableaux de Francis Bacon, étale image après image, des visions floues, des hallucinations érotiques, angoissantes, parfois violentes, de corps dénudés d'adolescents, de paysages obscurs... Les textes, sommaires et subversifs, ne sont pas sans rappeler Lautréamont, ou le marquis de Sade. La deuxième histoire dans cet album, intitulée « Lettre au maire de V. », est particulièrement troublante, empreinte d'angoisse paranoïaque, d'ennui morbide et de misanthropie; et même si la provocation y est parfois explicite, le fond conserve un stoïcisme effronté et touchant. Du jamais vu en B.D.!!

Tuesday, October 23, 2007

La richesse thématique chez Enki Bilal

Il était grand temps pour un interlude B.D., étant donné la passion de l'auteur de ce blog pour le 9ème art d'une part (il est d'ailleurs bizarre que cela n'ait pas été fait plus tôt), et le statu quo terriblement ennuyeux dans lequel patauge la politique libanaise actuelle de l'autre. Pour ce premier interlude sur un sujet aussi important, je vais démarrer avec force en choissant un grand auteur: je pense qu'il n'est plus besoin de présenter le génial Enki Bilal, dont le graphisme exceptionnel, qui fait de chacune de ses cases un tableau en soi, n'a d'égal que l'imagination débridée dans des récits totalement inédits. Nombre de gens considèrent sa nouvelle trilogie, celle qui commence par le «Sommeil du Monstre» (en fait une tétralogie, et il faut reconnaître que son graphisme y a atteint un degré de maîtrise hallucinant) comme ce qu'il a fait de mieux, mais je persiste à croire que son chef d'oeuvre reste incontestablement le premier volume de la trilogie Nikopol: «La Foire aux Immortels». Cet album est tellement formidable, tellement riche de sens et d'idées insolites, qu'il mérite qu'on s'arrête dessus quelques instants pour évoquer certaines possibilités d'interprétation, qu'un lecteur non averti aurait pu ignorer totalement.

1- Les allusions politiques:
Il s'agit dans cette histoire, de divinités égyptiennes immortelles acculées à acheter du pétrole à un chef d'Etat humain gouvernant une nation faible, pauvre et totalitaire (en l'occurrence la France du futur). Nous ne pouvons ne pas penser à une analogie avec le monde géopolitique actuel, où les grandes puissances industrielles négocient avec des Etats plus faibles le prix de leurs matières premières dont elles dépendent (la France devant faire partie, en réalité, des divinités égyptiennes et non pas l'inverse... jusqu'à nouvel ordre), mais en leur refusant toutefois l'accès à un statut de nation égale (voir extrait). Ainsi Horus, qui fait sécession avec la communauté des immortels, et manipule un pion humain (Nikopol) en le poussant à renverser le pouvoir en place à coups d'assassinats politiques (mais c'est l'histoire du Liban qu'on raconte là!), agirait à l'instar de services secrets rattachés à une grande puissance (KGB? CIA?...) et se moquant des conventions de conduite Onusiennes.

2- La reconquête de sa sexualité:
Au risque de passer pour un fanatique de Freud, je vais me lancer dans une interprétation psychanalytique du sujet, puisqu'à mon avis, cela s'y prête parfaitement; de quoi parle l'histoire au juste? D'un homme «faible», un soldat pacifiste condamné pour désertion, qui va soudain, grâce à une intervention surnaturelle, provoquer un coup d'Etat et reprendre le pouvoir des mains d'un dictateur. Sa première apparition le montre amputé d'une jambe, abattu, symboliquement castré; et c'est l'union avec Horus qui va lui rendre sa puissance. Cette alliance est donc un palliatif qui compensera la perte de son identité sexuelle, comme la jambe en acier remplace celle qui manque.
Ce thème se retrouve également dans la nouvelle trilogie (la similitude entre le personnage d'Optus Warhole et celui d'Horus étant d'ailleurs indéniable; tous les deux génies du mal, et où l'un prend possession d'un corps humain, l'autre le synthétise). Le manque à pallier pour le protagoniste principal de cette histoire est la mort de son père, tué par un franc-tireur. Le monstre qu'il imagine et qui prend possession de sa personnalité est alors, à l'instar d'Horus, le moyen artificiel de vaincre cette amputation psychologique. Cette case gribouillée et insolite, balancée au beau milieu de l'histoire, est assez significative parce qu'elle résume bien le drame vécu par le héros.

3- Le désespoir au final:
Pour en revenir à la Foire aux Immortels, le plus émouvant dans cet album c'est l'aboutissement, qui devait immanquablement être sombre. Une case que je trouve assez troublante est celle de la confrontation finale avec le reste des immortels (voir extrait): le couple Anubis et Bes n'est pas sans y évoquer pour moi une sorte d'image parentale. S'agit-il du jugement désapprobateur de la société face à la relation entre ces deux hommes (nous savons que l'homosexualité résulte souvent de l'absence d'identification avec le père)? Ce mélange de remords et de dépression est rendu plus tragique par un graphisme morbide, représentant des corps à la peau décomposée, une ville enneigée et polluée, des mutants difformes... Les dernières cases de cet album sont d'une beauté absolument émouvante.
Voilà, donc pour ceux qui n'ont toujours pas lu cet album, je les enjoins, avec une insistance exrême, de faire tout de suite un saut à la FNAC sans plus perdre une minute (car il est urgent de combler cette immense lacune culturelle), et d'acheter ce chef d'oeuvre littéraire absolu, digne des plus grands poèmes d'un Charles Baudelaire! Finalement je vais conclure ici ce billet, du moment que l'on s'est suffisamment étendu sur le sujet, en laissant pour une autre fois mes recommandations pour les 5 plus belles B.D. au monde...
A la prochaine, chers amis lecteurs!

Tuesday, October 02, 2007

Caramel



J'ai vu depuis pas très longtemps le fameux “Caramel” de Nadine Labaki. Léger, grand public et assez agréable à regarder, ce film raconte les déboires amoureux de 5 femmes autour d'un salon de beauté Beyrouthin. L'histoire, qui est clairement celle d'un film pour meufs («chick flick»), réussit à être captivante, sans avoir rien inventé de sorcier: enfin, je parle surtout pour les spectatrices femmes, car pour avoir pu tenir en haleine le public masculin pendant deux heures, il faut reconnaître que le film a dû faire appel à cet instinct de voyeurisme ancré dans notre inconscient de mâles. En effet, la caméra nous laisse épier les actrices (choisies assez belles d'ailleurs, pour la plupart) surprises dans des moments de coquetterie intime, que nous ne voyons pratiquement jamais dans la vie réelle: le salon de beauté est lui-même un Temple de la Femme, une terra incognita pour la plupart de nous autres représentants du sexe fort, et donc un espace intriguant.
Personnellement, ma plus grande motivation à aller voir ce film de Nadine Labaki, c'était surtout Nadine Labaki... Au risque de passer pour un de ces superficiels amateurs de “Baywatch”, je dois reconnaître que la vue d'une actrice aussi chaude et sensuelle que celle-ci, suffit amplement à m'accrocher aux scènes les plus barbantes qui soient. Je pourrais regarder sans broncher des plans séquence de 15 minutes tournées par Kiarostami, avec caméra fixe et dans un espace clos, à condition qu'elle y joue...
Enfin, bref... La raison pour laquelle j'ai cité ce film c'est que je suis tombé par hasard sur sa B.O., et que j'ai adoré la chanson du générique fin: c'est un petit air doux et mélancolique, évoquant une berceuse orientale, composé par Khaled Mouzannar, compositeur de la B.O. et fiancé de la réalistarice (le sacré veinard!!). La voix est celle de Racha Rizk, et les paroles sont de Tania Saleh. J'ai donc décidé de mettre cette chanson en ligne, et vous encourage très vivement à la télécharger ici. J'ai également recopié les paroles, assez sympathiques et qui résument l'ambiance du film, en prenant soin d'y inclure une petite traduction française pour mes lecteurs non arabophones. Bonne écoute!


Mreyti, ya Mreyti,

Rah Ehkilik Hkayti,
Oulili Ana Min,
Inti Ana w Ana Inti,
Mahma Kberti w Tghayarti
Bi Ouyouni Inti 's Sâbti,
Ya Mreyti.


Rah Ehkilik Hkayti,
Oulili Ennou Ana
Ahla Wehdi Fihoun,
Anaam Wehdi Fihoun,
Choufini w ma Tchoufihoun,
Ya Mreyti.


Rah Ehkilik Hkayti,
Oulili Ana Lé
Chaari Mannou Ach'ar,
Khasri Mannou Azghar,
W Temmi mannou Akbar,
Ya Mreyti.


Rah Ehkilik Hkayti,
Oulili Ana Kif
Badda 'Ass el Ghorra,
Awlik Helwi el Homra
Maa Foustan es Sahra,
Ya Mreyti.


Oulili Ana Min,
Inti Ana w Ana Inti,
Mahma Kberti w Tghayarti
Bi Ouyouni Inti 's Sâbti,
Ya Mreyti.


Oulili Ana Min,
Oulili Ana Min,
Ya Mreyti,
Ya Mreyti,
Ya Mreyti...

Mon miroir, Ô mon miroir,

Je te conterai mon histoire,
Dis-moi qui je suis,
Tu es moi et je suis toi,
Autant que tu grandisses et que tu changes
À mes yeux c'est toi la constante,
Ô mon miroir.


Je te conterai mon histoire,
Dis-moi que je suis
La plus belle d'entre elles,
La plus douce d'entre elles,
Vois-moi et ne les vois pas,
Ô mon miroir.


Je te conterai mon histoire,
Dis-moi pourquoi
Mes cheveux ne sont pas blonds,
Ma taille n'est pas plus petite,
Ma bouche n'est pas plus grande,
Ô mon miroir.


Je te conterai mon histoire,
Dis-moi comment
Faut- il couper la mèche,
Trouves-tu le rouge-à-lèvres beau
Avec la robe de soirée,
Ô mon miroir.


Dis-moi qui je suis,
Tu es moi et je suis toi,
Autant que tu grandisses et que tu changes
À mes yeux c'est toi la constante,
Ô mon miroir.


Dis-moi qui je suis,
Dis-moi qui je suis,
Ô mon miroir,
Ô mon miroir,
Ô mon miroir...