Monday, December 18, 2006

Al Manar: un médium venimeux

Je n'ai jamais vu une chaîne de télévision plus haineuse, plus subversive, plus foncièrement mauvaise que la chaîne officielle du Hezbollah. Jamais de ma vie, en la regardant par intermittence au gré de mon zapping (car je ne peux pas la voir plus de 2 minutes à la suite), je ne suis tombé sur quelque chose de beau, de joyeux, de normal; un coucher de soleil avec deux amoureux enlacés, une femme en bikini près de la plage, un film d'action, un concert musical, un documentaire sur les animaux, une recette de cuisine, même pas une de ces pubs pour un magic-blender, un séchoir ou pour un quelconque appareil sportif, rien de cela... Les seules émissions sur lesquelles je tombe sont des clips de propagande militaire vous montrant les soldats du Hezb maniant une artillerie sophistiquée, des femmes voilées vous racontant fièrement le martyr glorieux de leurs fils, un homme brandissant le cadavre à moitié calciné d'un enfant et criant de tous ses poumons à la vengeance, un interminable éloge de la Résistance armée, des scènes de destruction, des images de tristesse et de mort... Je comprends maintenant pourquoi cette chaîne a été interdite de diffusion en France, pourtant le pays par excellence de la liberté d'expression, du cynisme -voire de l'arrogance- de la presse (si jamais les Guignols de l'info essayaient de faire un de leurs numéros chez nous ils se feraient abattre le lendemain). Cette télé cherche à implanter la haine dans le coeur de son public; je ne lui vois aucun autre intérêt.
Je conçois que l'histoire de la Résistance contre Israël (comme celle des tous les conflits libanais d'ailleurs) soit tout à fait tragique et mérite plusieurs heures de réflexion, mais de là à en faire notre credo, notre pain quotidien, vivre, dormir et respirer dans un climat de haine, de rancoeur, de vengeance inassouvie (le sera-t-elle jamais?), ce serait le moyen le plus sûr de nous empoisonner l'existence, de dépérir. Sans joie, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue, car un esprit mû par la haine ne pourra produire que des actes de haine, de violence, de guerre et de destruction (de soi et de l'autre).
Ce billet est volontairement dénué d'humour car il n'y a rien d'amusant dans le spectacle d'un homme qui regarde exclusivement Al Manar: c'est absolument tragique! Regardez NewTV, NBN, ou Al Jazeera, si vous êtes fan des médias de l'opposition, mais évitez à tout prix le fiel de cette station diabolique, cette voix fourbe de sirène simulant prôner une grande cause, ce médium de propagande haineuse et macabre appelé Al Manar.

Saturday, December 09, 2006

Combattre la corruption

Combattre la corruption est une chimère: cela me rappelle un gag d'Iznogoud où pour stopper la corruption dans le califat, il fait placer des sbires chargés de contrôler les fonctionnaires; et pour s'assurer de leur zèle, il fait placer des super-sbires charger de contrôler ces sbires; puis pour contrôler les super-sbires, il fait placer etc. ... Bref, augmenter les effectifs de contrôle ou aggraver les sanctions n'aideront pas à stopper la corruption. Les lois en place, si elles étaient appliquées à la lettre, suffiraient amplement à cette fin: la corruption c'est par définition les fuites dans le système. Plus on l'agrandit, et plus on l'expose à des failles. Les régimes les plus durs sont toujours les plus corrompus, et les pays communistes ont souvent tendance à tomber très vite dans la dictature. Pendant l'ère syrienne, qui de nous, pour résoudre un problème, n'avait pas le réflexe d'appeler tel ami « haut placé », ou tel parent officier dans l'armée ou les services secrets? Nous connaissons la chanson...
Il faut chercher d'autres solutions pour piéger le processus de pot-de-vin: la privatisation des secteurs publics, par exemple, est une façon efficace de combattre ce problème. Voyez la téléphonie mobile, Sukleen, voyez combien ces entreprises marchent à merveille. Vous entrez dans une banque, une agence privée, vous voyez tout de suite des locaux propres, une gestion efficace, une réceptionniste souriante, des employés alertes... Vous entrez dans un bâtiment public, vous êtes choqués par la crasse, vous cherchez les fonctionnaires, vous parcourez les étages, vous ne les trouvez pas; si vous avez la chance d'en attrapper un il est soit occupé, soit c'est l'heure de sa pause déjeuner, soit pour votre dossier il fallait s'adresser à un autre... Pour être juste, je dois excepter le local de la Sûreté générale de l'époque pré-mars 2005, mais bon, s'il y avait un seul secteur public fonctionnel à cette époque, ça devait bien être celui-là... Bref, l'entreprise privée, par son échelle humaine et son système motivant, est en général beaucoup plus efficace que le secteur public: si l'employé ne fait pas son boulot, eh bien il va s'en chercher un autre!
Par contre, le grand intérêt de la corruption c'est qu'elle constitue un excellent outil de propagande politique, car c'est le crime parfait dont les partis les plus extrémistes accusent toujours les partis les plus modérés, à l'approche des élections. Cette stratégie est tout d'abord très perspicace parce que l'on n'a pas besoin de preuves pour calomnier son adversaire! La fortune d'une personne est déjà un facteur extrèmement suspect, et il suffit alors de parler d'un compte bancaire en Suisse, donner des chiffres imaginaires, faire état de « rumeurs » qui courent, pour inculper irrémédiablement sa victime, incapable de s'en défendre puisqu'elle est censée avoir commis son délit dans la plus grande discrétion... De plus, la mise en scène est tout à fait favorable au plaignant: en effet, ce dernier est souvent une personne engagée et passionnelle, se battant pour une « grande cause » (généralement d'origine divine), et arborant une tenue vestimentaire très exotique. Face à lui, son rival modéré est une personne qui parle d'un ton calme, fait preuve d'un bon sens remarquable, et porte un complet sobre et élégant. Grave erreur!! L'opinion publique orientale, sensible au discours romancé et friande de théories de conspiration, s'emballera évidemment pour le premier parti... C'est ainsi que le Hamas a discrédité le Fatah en Palestine, lui reprochant d'être « corrompu »: avec le nouveau regain de violence, l'interruption des aides financières occidentales, la menace de recommencer les attentats suicides, ils devraient s'en mordre les doigts à présent...
Ce qui me surpend chez les Libanais -et chez les détracteurs de Hariri plus précisément- c'est leur capacité soudaine à devenir de grands économistes. En parlant de l'aéroport, ils vous donnent des chiffres ahurissants (auxquels plusieurs aiment à rajouter des zéros), vous affirment que le coût de sa construction est anormalement excessif, et en déduisent que Hariri a « volé » le reste. Mais comment savez-vous combien ça peut coûter d'édifier un aéroport international??? A supposer que vous pouvez donner une approximation juste des produits de construction utilisés et de la mise en place des grandes structures métalliques, comment pouvez-vous avoir une idée de ce qu'il faut payer en commissions, en frais légaux ou illégaux aux divers responsables publics, aux intermédiaires, aux Syriens, à tel, à tel autre, rien que pour débloquer la procédure juridique nécessaire à ce chantier? D'autres vous diront: « Avait-on besoin d'un aéroport aussi luxueux? ». Eh bien, lorsque votre économie est basée sur le tourisme et les services, et en le comparant à ses semblables aux Emirats et dans les pays du Golfe, oui! c'est un minimum. Obnubilés par ces rumeurs de « corruption », les gens perdent de vue les résultats concrets que ce premier ministre a finalement fournis: un centre-ville, un aéroport, un stade sportif, ensemble d'équipements certes coûteux, mais qui n'attendent que la paix pour commencer à devenir rentables.