Monday, September 17, 2007

Les deux visages de l'Amérique

Il existe souvent une grande dualité entre les agissements de cette grande puissance, et son paradigme constitutionnel qui fait d'elle, après tout, la première puissance libérale de la planète: car comment peut-on être la première démocratie, et encourager -voire provoquer- les guerres, le fanatisme religieux et le terrorisme, un peu partout dans le monde? Beaucoup de gens, surtout dans le monde arabe, ne comprenant pas la raison derrière les coups fourrés de la CIA et les nombreuses guerres dans lesquelles s'engage l'administration américaine, démonisent ce pays et le considèrent comme purement malfaisant. Certains pensent que les Américains font ça pour garder le monde arabe «en retard», et conserver ainsi leur suprématie technologique; cette explication, un peu simpliste et quelque part prétentieuse, a au moins le mérite d'être logique, et suffit à convaincre plein de gens, devant des contradictions politiques autrement inexpliquables. Mais à bien réfléchir et se documenter sur le sujet, une autre explication plus pragmatique, supplante peu à peu cette première...
La liberté est, pour les Etats Unis, un atout à double tranchant: c'est ce qui fait leur force, notamment avec leur système économique motivant, mais c'est ce qui fait aussi leur faiblesse devant les groupes de pression, les lobbies; c'est ainsi que l'intérêt d'un secteur privé bien particulier, peut parfois prévaloir sur l'intérêt général de la nation, et pousser ainsi le gouvernement dans une direction dans l'absolu contraire à ses principes. Le plus dangereux de ces groupes car le plus puissant, c'est évidemment le complexe militaro-industriel.
Depuis la fin de la seconde guerre mondiale, les géants de l'industrie militaire, grâce à des chiffres d'affaire astronomiques, avaient assis leur pouvoir de façon permanente sur l' Etat américain; de ce fait, toutes les décisions politiques prises par le Sénat devaient alors avant tout favoriser la vente de matériel militaire. Cette réalité est très lourde de conséquences: cela veut dire que toutes les prises de position en faveur de l'engagement dans une guerre quelconque, seront adoptées! Jusqu'à l'effritement de l'Union Soviétique, cette industrie était en plein essor grâce à une excessive propagande anti-communiste (la chasse aux sorcières du sénateur Maccarthy), et récupérait ainsi tous les fonds qu'elle voulait du Trésor public américain. Ce n'est qu'à la fin de la guerre froide que l'Amérique a été soudain « privée d'ennemi »: il fallait trouver autre chose pour continuer la production d'armes. Il y eut donc la première intervention en Irak.
En appliquant les lois simples du marché à notre triste époque, on peut se demander s'il n'est pas impossible que les mouvements terroristes mondiaux ne soient pas quelque part alimentés par cette industrie, à qui ils fournissent du travail massif. En ce qui concerne les attentats du 11 septembre, si l'implication de l'Etat est logistiquement et catégoriquement impossible, car un projet pareil ne peut en aucun cas traverser les engrenages d'une administration, en revanche rien n'empêche le complexe militaro-industriel, en tant qu'organisme privé, d'avoir donné son «petit coup de pouce» aux kamikazes (pour n'utiliser qu'un euphémisme): si le coupable est bel et bien celui à qui profite le crime, un simple coup d'oeil au chiffre d'affaire de ces entreprises depuis septembre 2001, permettra de confirmer cette hypothèse.
Le lobby des armes effraie les américains eux-même. Au discours de fin de son mandat, le président Roosevelt avait mis en garde le peuple américain contre les dangers de cette entité, en vain me semble-t-il. On pourrait même se demander si derrière l'assassinat de John Kennedy, le président qui avait résolu pacifiquement la crise de Cuba, et qui avait donc évité l'engagement militaire contre les Russes, il n'y aurait pas une intervention de cet organisme (c'est ce que le film JFK d'Oliver Stone semble insinuer en tout cas); qui d'autre de toutes façons, serait suffisamment influent pour pouvoir tuer des présidents américains? Récemment plusieurs films (dont Bowling for Columbine de Michael Moore) tentent de dénoncer la toute-puissance et l'impunité des marchands d'armes, sans aucunement inquiéter ces derniers toutefois...
En conclusion, les gens qui exècrent l'Amérique en bloc, gagneraient à orienter leur haine vers un objectif plus précis, qui est son industrie militaire: car l'Amérique est aussi et surtout le pays de la libre entreprise, de la démocratie, de Walt Disney, du jazz, de l'internet... Malheureusement, les desperados qui terrorisaient la côte Ouest de ce pays il y a quelques siècles, se sont maintenant investis dans la fabrication de missiles, et terrorisent la planète entière...

Tuesday, September 04, 2007

Un homme perdu...

J'ai vu récemment, à la séance de clôture du festival «Né à Beyrouth», le dernier film de Danielle Arbid intitulé «Un Homme Perdu»: film assez troublant et volontiers provocateur, qui narre la rencontre entre Thomas, photographe français vagabond, aimant prendre sur pellicule des femmes en plein acte sexuel, et Fouad un mystérieux amnésique disparu à Beyrouth pendant la guerre civile. Les chemins des deux hommes se croisent par hasard, et l'un servant à l'autre de guide, ils vont ensemble séduire des femmes dans les boîtes de nuits jordaniennes, et les ramènent à leur chambre d'hôtel pour les photographier... Jusqu'au jour où Thomas décide de remonter le fil jusqu'au passé de son énigmatique et silencieux compagnon...

Ce film prouve encore une fois le talent exceptionnel de cette réalistarice issue d'une famille d'artistes (Georges Arbid, architecte enseignant à l'Alba et lauréat d'un concours national d'architecture, et Célia Arbid, architecte et graphiste de renom, sont des cousins à elle). Le silence pesant de ce film, la brutalité des passages érotiques, et l'oppression constante du tabou transgressé créent une ambiance sauvage et aride, qui correspond à l'aspect physique des protagonistes principaux (crâne rasé, barbe de quelques jours). Par ailleurs, l'ambiguité de la relation qui se noue entre eux, la quête constante d'identité du héros et l'imprévisibilité de la trame narrative, confèrent à ce film une richesse psychologique qui contraste bizarrement avec la simplicité générale de la mise en scène et le minimalisme des dialogues. C'est d'ailleurs ce point qui fait, à mon avis, le point fort de cette réalisatrice: la profondeur psychologique de ses personnages, les liens complexes qui les unissent (ou les séparent), à l'image de la société réelle, pleine de contradictions et d'incompréhensions.

Toutefois ce film n'a pas su dépasser «Dans les Champs de Bataille» (le précédent de Danielle Arbid), qui reste, à mon avis, son chef d'oeuvre. C'est en tout cas un des plus beaux films que j'ai jamais vus sur la guerre du Liban; on est très loin des clichés affligeants, et des textes insipides et totalement prévisibles du «West Beirut» de Ziad Doueiri... Peut-on trouver plus banal que cette histoire? Un garçon musulman qui aime une fille chrétienne (des Roméo et Juliette locaux), des scènes larmoyantes de fusillade d'innocents civils, en majorité des femmes et des enfants (à noter la petite erreur de documentation ici, puisque l'autobus de Aïn el Remmané ne contenait que des hommes armés jusqu'aux dents), le taxi transportant les prostituées qui passe la frontière sans problème (encore une fois l'amour qui triomphe de la guerre), etc. ... Rien qu'un enchaînement de clichés flagrants et bêtes, que même des scénaristes Hollywoodiens hésiteraient à aligner pour un film d'action avec Jean-Claude Van-Damme! Un peu de recherche, que diable...