Cedar tree blues
Ce février glacial n'en finit pas de traîner (je sais bien que c'est une année bissextile, mais quand même, ça me semble anormalement long)... J'attends vivement le printemps, l'une des deux saisons modérées où nous pouvons à juste titre nous enorgueillir de notre climat (nous n'avons plus trop l'embarras du choix quant aux sujets qui y prêtent d'ailleurs). Je pourrai alors faire une petite randonnée en montagne avec mes potes; le temps sera doux et ensoleillé, le paysage vert et moite fera chaud au coeur, et l'on déjeunera en plein air... Entretemps, installé bien au chaud chez moi, j'écoute une grande classique Grunge de la magnifique PJ Harvey, en sirotant un Chivas Regal avec glaçons. Des pensées défaitistes me viennent à l'esprit, les titres angoissants des journaux, le départ accéléré des amis (deux collègues partis rien que ce dernier mois), des prédictions de mauvais augure pleuvant de partout, et je me laisse lentement aller au blues du Cèdre...
Depuis les années 70, nous avons commencé à dégringoler des escaliers interminables sans jamais nous arrêter. À chaque fois que nous atteignions un palier, à peine remis de notre surprise une nouvelle chute nous attendait, et nous continuions notre descente dans un abîme de plus en plus obscur, un gouffre dont le fond se dérobait sans cesse. Pendant que les pays du Golfe, ces maudits rapaces, se développent, s'embellissent et se couvrent de gratte-ciels, bâtis par nos ingénieurs, nos directeurs, nos gestionnaires qui ont déserté le pays, nous qui étions la perle orientale, le joyau culturel, économique et social du monde arabe, nous tombons dans la putréfaction avec nos lauriers flétris. Nous nous traînons fébrilement de l'avant, accrochés à un vague espoir, ou plutôt à un reste insensé de fierté et d'obstination: nous savons que notre peuple est naturellement prespicace et débrouillard, que les libanais de la diaspora sont nombreux et probablement influents... Peut-être qu'un milliardaire originaire de nos côtes aura un jour le mal du pays, peut-être qu' il décidera de rentrer, de rebâtir, de faire bouger les choses, et que celui-là ne se fera pas bêtement assassiner. Peut-être...
Mais ce qui est certain, c'est qu'un jour notre âge d'or reviendra, je n'en ai aucun doute; car le régime syrien, cette sangsue envieuse qui n'a provoqué que du tort à tout ce qui l'entoure (à commencer par son propre peuple), sera mort et enterré depuis longtemps! Un jour le Phénix reprendra son envol, et remontera à nouveau très haut dans les cieux! Cela n'arrivera peut être pas de mon vivant, ni de celui de mes enfants, peut être dans 3 ou 4 générations ou même plus, mais cela arrivera, c'est inéluctable. C'est juste une question de temps...