Thursday, November 15, 2007

Lost highway (ou interlude lyrique)


J'adore rouler à pleine vitesse sur les autoroutes vides, à des heures improbables de la nuit. Quand je fais cela, mon cerveau reptilien se charge de la conduite en mode auto-pilote, mais mon esprit vagabonde: mes pensées s'écoulent bruyamment comme une bande sonore dans un vieux magnétoscope. Je ne me sens plus concerné par le paysage qui défile vertigineusement, car ma voiture, ma musique et moi sommes dans un monde à part; il ne forme que l'accompagnement visuel d'une symphonie bourdonnante et nostalgique. Bientôt passera la chanson «Dazed and confused» des Led Zeppelin, et je retomberai 15 ans en arrière; du temps où je n'étais qu'un môme naïf, où je croyais encore à un idéal, et à l'amour...

Ces moments sont beaux, même s'ils sont parfois accompagnés d'amertume, car ils vous font oublier l'espace d'un instant, que votre pays n'est qu'un amalgame hétéroclite de minorités incompatibles, un morceau de terre qui n'a jamais connu une paix durable (ni en localité indépendante, ni assigné à un empire régional), bref, un bordel géographique aberrant. Le ruban asphalté sera bientôt fini, et sonnera alors l'heure du retour à la dure réalité: celle envahie par les Hassan Nasrallah, les crises politiques insolubles, la cherté des prix due à l'inflation, les coupures d'eau et de courant électrique, la lenteur écoeurante de la connexion internet... Tout cela m'attend au bout du chemin, mais je ne vais pas pour autant aller m'écraser contre un poteau (je n'aurais rien résolu ainsi): pour l'instant je roule, et je n'y pense pas.

Sunday, November 04, 2007

Présidentielles: un suspense insoutenable...

On a beau essayer de penser à autre chose et éviter de suivre convulsivement les nouvelles, il est impossible d'oublier l'échéance des élections présidentielles qui se rapproche dangereusement. L'angoisse qui entoure cette attente, provient plus de la crainte d'une catastrophe intérieure dans le cas où les deux clans ne se mettraient pas d'accord sur un quelconque candidat, que de la hâte de connaître l'identité même de ce nouveau candidat. Car sur ce point, je pense que plus personne ne s'attend à grand chose...

Le temps des présidents forts, astucieux et charismatiques dans le genre Camille Chamoun, est depuis longtemps révolu. Les libanais, suite aux nombreuses déceptions historiques qui, depuis plusieurs décennies, ont systématiquement suivi l'accès au pouvoir de leurs chefs d'Etat successifs, ne sont plus très exigeants en la matière; ils espèrent juste un type normal, qui fasse plus ou moins correctement son boulot, ne pique pas exagérément dans le Trésor public, et qui ne se fasse pas assassiner trop tôt (car en général les présidents les plus prometteurs ne survivent que quelques jours, voire quelques heures, après leur élection). Non, cette fois notre peuple, assagi et endurci par les épreuves passées, a modéré ses espoirs, et limité ses ambitions à un minimum acceptable: il veut juste un type qui ne soit pas un idiot complet (et sur ce point je pense que c'est déjà gagné, puisqu'il est très difficile de trouver un QI inférieur à celui du président actuel), qui ne soit pas non plus un nabot mégalomane, sénile, et hargneux, qui ne rêve que de guerres et de conquêtes militaires (ce qui exclut qui vous savez), qui n'ait pas été l'instigateur ou la cause directe de la mort de plus de 30 ou 40 personnes tout au plus (ce qui exclut donc également certaines figures du 14 mars), et qui possède un minimum d'esprit d'initiative qui l'empêcherait, à chaque fois qu'il veut prendre des décisions aussi simples qu'éternuer, de demander l'avis des gouverneurs des pays voisins. Voyez, on ne demande vraiment pas l'impossible...

Des fois je me demande si nos chroniqueurs Beyrouthins n'ont pas encore une fois raison en ce qui concerne la candidate idéale pour ce poste: Haifa Wehbé, la chanteuse. Examinons cette éventualité de plus près: côté intellect, ce n'est pas la gloire certes, mais ses performances cérébrales ne doivent pas être très éloignées de celles du tenant actuel du Palais de Baabda (avec probablement quelques points en plus pour notre charmante diva). Grâce à son apparence physique et sa voix sensuelle, cette nouvelle chef d'Etat pousserait naturellement tous ses administrés à suivre les nouvelles plus fréquemment et avec plus d'intérêt, développant ainsi chez eux un sens plus profond du civisme et du nationalisme. Elle possèderait des moyens extrèmement persuasifs (et peu onéreux) de demander certains services à des Etats du Golfe, débattre tel problème avec un Etat voisin de façon à éviter le conflit, séduire des investisseurs étrangers, etc. ... Je n'y vois que des avantages! Seul obstacle, Haifa Wehbe est chiite; elle ne peut donc pas tout de suite accéder à ce poste. Fort heureusement, il existe un grand nombre de jeunes maronites dévoués, dotés d'un patriotisme à toute épreuve et d'un grand sens du sacrifice, qui seraient prêt à l'intégrer à leur communauté grâce à un contrat de mariage. Moi-même, étant donné mon grand amour pour ma patrie, je suis prêt à frôler les limites du délit judiciaire pour le bien-être du pays, en effectuant un mariage blanc avec cette candidate douée, et lui donner ainsi la chance d'y exercer la plus haute magistrature. Et pour éloigner tout soupçon de fraude, je suis prêt à lui faire l'amour tous les jours... voire toutes les heures...